PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE


Témoignage

Donner pour aider un média diversifié qui a su se réinventer

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Laurence Gagnon, donatrice

Ses amis, sa famille, son travail de productrice, son appartement à Montréal… Il y a cinq ans, Laurence Gagnon laissait tout derrière elle pour s’établir dans la communauté crie de Nemaska, sur le territoire Eeyou Istchee, dans le Nord-du-Québec. Rencontre avec une donatrice de La Presse qui n’a pas froid aux yeux.

La prémisse de l’histoire est vieille comme le monde : une jeune femme part au loin rejoindre l’amour. À 13 heures de voiture de la métropole, elle découvre ses voisins, qui deviendront des connaissances, puis des amis. Au fil des liens qui se tissent, son désir de contribuer à son nouvel environnement grandit. C’est là que l’intrigue se révèle intéressante.

« Je déteste l’idée du sauveur blanc qui va aider les Autochtones. Je ne suis pas allée à Nemaska pour travailler, mais pour être avec mon ex-conjoint, et c’est en m’y trouvant que j’ai eu envie de m’impliquer comme une citoyenne dans la municipalité », met de l’avant la brunette de 28 ans.

Laurence prend aujourd’hui part à son milieu à titre d’officière des communications et de secrétaire corporative pour le conseil de bande. « Je gère tous les projets de communications internes et externes de la Nation crie de Nemaska et j’apporte mon aide aux dirigeants dans toutes les tâches administratives », explique-t-elle.

À Nemaska, il n’y avait jamais eu de service des communications. Tout était à bâtir, à imaginer, à repenser, même les méthodes de travail. « Ce qui se réalise en un mois à Montréal, on le fait volontairement en deux ans, au fur et à mesure. Nos projets, on prend le temps de les mener et ça amène nos collaborateurs à changer leurs délais, à déconstruire l’idée que tout doit être terminé rapidement, dans l’urgence. On est peut-être en train de paver la voie, de montrer qu’il y a des façons de faire plus saines », remarque-t-elle.

« Pourquoi on se dépêcherait ? Pourquoi on se rendrait stressés et malades à faire des choses quand il n’y a pas mort d’homme ? », demande Laurence.

Dans la communauté crie, on s’arrête devant les difficultés. On ne retourne pas au boulot cinq jours après un accident de voiture ; on s’assoit, on écoute ses émotions, on se remet sur pied lentement. Les employeurs y sont plus empathiques et le monde des affaires devrait s’en inspirer, croit Laurence, dont le quotidien est partagé entre Montréal et Nemaska. Le conseil de bande lui permet depuis quelques mois de travailler à distance, plus près de sa mère qui lutte contre le cancer.

Laurence l’admet sans détour : déménager au-delà de Chibougamau a changé sa vie, littéralement. « C’est un gros truc. Je pensais que la vie, c’était en étapes, en ligne droite : tu fais un job, après tu progresses, tu as des bébés, et ainsi de suite. La culture crie est beaucoup plus circulaire. Arrêter ses études, avoir des enfants, retourner à l’école, trouver un emploi, recommencer le processus pour s’orienter dans un autre domaine, c’est la norme », explique-t-elle.

Élire domicile « là où le poisson abonde » – c’est ce que signifie Nemaska en langue crie – a modifié le regard que Laurence portait sur l’environnement. Quand la glace s’amincit et raccourcit les périodes de chasse, quand les esturgeons se font plus petits, les Cris en subissent les conséquences. « Le réchauffement climatique, ici, on le voit tellement, on vit en symbiose avec la nature », souligne-t-elle.

La Presse

Si Laurence donne à La Presse, c’est pour soutenir un média qu’elle lisait déjà à 7-8 ans, sans tout comprendre, en imitant son père qui s’installait à table le samedi matin avec son grand journal déployé devant lui. C’est pour contribuer à un quotidien qui a su se réinventer et amener des collaborateurs, des sujets et des angles différents au fil des ans. C’est aussi pour que ses articles demeurent gratuits et en libre circulation pour tous.

« Ancienne journaliste, je connais l’importance de l’information. Elle doit être accessible et vulgarisée pour que tout le monde soit capable de la lire et de la comprendre. Ça détermine tellement de choses en politique ou dans notre intimité, dans nos opinions et nos relations avec les autres. »

– Laurence

Laurence a en effet étudié et travaillé en journalisme avant de devenir productrice chez Romeo & Fils. À 28 ans seulement, elle semble avoir déjà embrassé un grand nombre de vies.

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